
Dans le règne animal, le rapport sexuel, est un moment au cours duquel la vigilance est réduite, propice pour les prédateurs. De ce fait, la faculté d’éjaculer rapidement est un gage de survit de l’espèce.
Peut-on extrapoler ce comportement au genre humain et dire que l’espèce humaine doit sa survie à l’homme éjaculateur précoce ?
L’éjaculation est à la fois un phénomène psychologique et physiologique : physiologiquement, dans le cadre de la reproduction, un homme est programmé pour éjaculer rapidement.
Lors d’un rapport sexuel, qui n’est pas essentiellement lié à la reproduction, l’homme va chercher à retarder son éjaculation. C’est dans ce cadre que l’éjaculation précoce apparaît.
À D’AUTRES ÉPOQUES, L’ÉJACULATION PRÉMATURÉE ÉTAIT AUTREMENT PERÇUE
Le rapport à la virilité est présent chez tous les peuples et dans toutes les époques. Le fait de considérer une éjaculation rapide comme un problème est relativement récent, et découle des normes sexuelles dans le contexte socio-historique actuel.
L’éjaculation rapide fût considérée dans bien des civilisations comme un signe de bonne santé et de capacité reproductive, pour d’autres, le plaisir de la femmes avait sa place dans la sexualité, de ce fait contrôler son éjaculation était recommander.
Les croyances de la Chine ancienne stipulaient que retenir sa semence garantissait une meilleure jouissance et renforçait le lien amoureux. Pour les chinois, le contrôle éjaculatoire était un art comme les autres, qui s’acquérait avec la pratique avant de devenir « naturel ». (C’est au peuple chinois que l’on doit les premières techniques de contrôle éjaculatoire)

Notre culture érotique occidentale est redevable à certains discours. La morale sexuelle chrétienne puise ses racines au Ier siècle où la notion de fornication désignait les relations sexuelles illégitimes s’écartant du dessein reproductif, ce discours a connu son apogée à l’époque victorienne.
En occident, au XIXe la morale prônait une sexualité qui devait être pratiquée avec retenue, l’homme devait éjaculer rapidement afin que sa compagne ne prenne pas de plaisir au risque de sombrer dans la luxure. Force est de constater que l’éjaculateur précoce remplissait les codes de bonne conduite.
QU’EST-CE QUE L’ÉJACULATION PRÉCOCE (EP) ?
L’EP, appelée également Prématurée ou Rapide, est l’un des motifs de consultation le plus fréquent en sexologie.
On appelle précoce une éjaculation qui intervient trop vite. Elle peut être:
- Primaire : apparaître dés les premiers rapports sexuels avec des partenaires différents
- Secondaire ou acquise : apparaître subitement chez un homme qui jusque là contrôlait bien son éjaculation
Le DSM-V définit l’éjaculation précoce comme :
Une éjaculation survenant de manière persistante ou récurrente, avec une stimulation sexuelle minimale, avant ou rapidement après la pénétration, avant que l’individu ne le souhaite. Pour poser le diagnostique, il est nécessaire que le trouble induise une détresse psychologique ou des difficultés de couple.
Le Docteur Waldinger définit de manière empirique l’éjaculateur précoce, comme un homme dont la IELT (Intervaginal Ejaculation Latency Time) est inférieur à la minute dans plus de 90% des rapport sexuels.

LES CAUSES DE L’ÉJACULATION PRÉCOCE
Bien des théories et hypothèses existent au sujet des causes de l’EP, parmi ces théories les plus courantes sont :
L’anxiété : C’est en 1943 que le Docteur Bernhard avance l’hypothèse psychosomatique : l’EP serait la conséquence de l’association d’une constitution psychologique hyper anxieuse et d’un appareil éjaculateur moins résistant au stress.
Lors d’un rapport sexuel, l’homme est soumis au stress, une mauvaise gestion de la frustration, comme ne pas perdre son érection, ne pas éjaculer trop vite, l’anxiété liée à son rapport à l’autre, peut amener l’homme à perdre le contrôle de son excitation.
Aujourd’hui, on constate que les hommes qui éjaculent rapidement ont, plus que la moyenne, un comportement de type anxieux.
Le comportement appris : En 1970, Master & Johnson décrive l’EP comme un « comportement appris », présent chez les hommes qui se sont habitués à des rapports sexuels rapides depuis leurs premières expériences.
La masturbation : cette pratique favoriserait le fait qu’un homme éjacule rapidement.
Les hypothèses psychologiques : la survenue de l’EP apparaît dans certaines circonstances/ ou uniquement avec certain partenaire/ ou après certain événement de vie : ce type d’éjaculation précoce laisse supposer qu’il y a une part psychologique dans sa survenue.
L’hyper sensibilité du gland : d’un point de vu neurobiologique, certains hommes semblent avoir un gland trop sensible aux stimulation.
La prise de toxiques : la consommation de drogue ou les traitements médicamenteux.
Les hypothèses biologique et neurobiologique : des étude récentes montrent qu’au niveau des neurotransmetteurs, une différence existe entre les hommes qui éjaculent rapidement et ceux qui éjaculent moins rapidement.
Les causes exactes de l’EP ne sont pas précises.
Chaque homme, chaque situation est singulière, une prédisposition biologique à l’EP peut être aggravée par des phénomènes psychologiques (difficulté ou stress), de même que l’homme peut apprendre à maîtriser mentalement et physiquement la montée de l’excitation et pallier à sa prédisposition biologique.
De plus il est très probable que plusieurs facteurs soient liés à l’origine d’une EP chez le même homme.
Il est important de noter que l’adolescence est une période de découverte de la sexualité, le jeune individu rentre dans la sexualité avec beaucoup de tension, de fougue, lors des premières expériences de masturbation l’éjaculation arrive très vite. C’est un phénomène normal.
Le contrôle de l’éjaculation s’acquière avec le temps et l’expérience sexuelle qui s’en suivra. En revanche, si elle persiste à l’âge adulte on peut alors parler d’éjaculation précoce
POURQUOI ET COMMENT L’EP EST SUSCEPTIBLE D’ALTÉRER LES RELATIONS DE COUPLE?
Nous savons que les mœurs érotiques varient selon les époques, les lieus, et découle des normes sexuelles qui prévalent: éjaculer rapidement pose problème depuis peu.
De nos jours, la notion de virilité est liée à celle de performance. Le modèle pornographique de plus en plus présent ainsi que le souhait de satisfaire au mieux sa compagne, font apparaître la notion de performance entrainant une anxiété voir un sentiment d’anormalité vis-à-vis des capacités sexuelles.
Les séquelles de ce trouble sur le mental sont conséquentes, ces hommes peuvent souffrir d’anxiété, de dépression et de trouble de l’humeur. S’y ajoute le sentiment de culpabilité ainsi que la tendance à perdre l’estime de soi.
Au delà de l’impact sur l’éjaculateur précoce, ce trouble à un impact tout aussi négatif sur le ou la partenaire. Par conséquent, c’est le ou la partenaire qui est le plus souvent à l’initiative de la consultation.
L’impact de l’éjaculation précoce sur l’homme, la femme et le couple peut être grave. Ce trouble peut être responsable de la mésentente avec le partenaire, du désir d’infidélité et mener à la séparation.
En occident le taux de divorce est élevé, selon les études dans environ 30% des cas, la cause du divorce est liée à une dysfonction sexuelle.

Chez le couple hétérosexuel, au delà d’une survalorisation du coït, la reconnaissance d’un problème de rapidité éjaculatoire requière une valorisation du plaisir féminin.
Le développement des techniques contraceptives déconnecte la pénétration de la conception, et contribue à inciter les individus à jouir de coïts de manière sûre et profitable. Les femmes peuvent s’adonner à la sexualité sans entraves.
Quelle pression et quelles exigences vont apparaitre vis à vis de leur partenaire ?
La femme accorde une place importante à la jouissance, pour beaucoup, la sexualité est synonyme de partage d’intimité et de proximité émotionnelle. Elle souhaite que leur compagnon lui permette d’atteindre l’orgasme. Or, il faut 5 à 10 minutes en moyenne pour qu’une femme atteigne ce dernier, ce qui peut devenir complexe dans le cas où le partenaire présente une EP.
Du coté de la partenaire lorsque la relation sexuelle ne permet pas l’atteinte de l’orgasme, et ce de manière répétée, elle peut devenir frustrée et s’abstenir de relations sexuelles, de plus, certaines peuvent perdre tout désir sexuel et amoureux envers le partenaire.
Chez le couple homosexuel: Selon les études les troubles de l’éjaculations peuvent entrainer une modification du comportement sexuel, faisant passer du rôle actif au rôle passif, ce qui aurait pour effet de perturber l’estime de soi. Par conséquent, l’impact sur l’équilibre du couple homosexuel en est perturbé.

ABORDER LE PROBLÈME EST ESSENTIEL
Lorsque le couple a de la gène et que le silence s’installe entre les partenaires, les conflits commencent à apparaître.
Les problèmes sexuels retentissent sur l’entente même du couple, le plongeant dans un climat délétère, générant interprétations erronées, quiproquos et atteintes narcissiques. Les rancœurs accumulées par les partenaires peuvent aboutir à une « conjugopathie » jusqu’à la rupture définitive.
L’EP est un trouble fonctionnel à l’origine d’un grand désarroi, tant chez l ‘éjaculateur précoce que chez son partenaire.
Malgré l’évolution des mentalités face à la sexualité ces 50 dernières années, la sexualité et les capacités sexuelles individuelles restent un sujet tabou, ne favorisant pas la parole lorsque les difficultés apparaissent.
L’harmonie sexuelle est un travail d’équipe!
On sait que l’EP n’est pas une maladie. De nombreuses méthodes sont à la disposition du couple afin de pallier à ce trouble.
L’amélioration des difficultés sexuelles au sein du couple passe par la communication. De même, le recours à une prise en charge sexothérapeutique permettra de travailler le « savoir être » et le « savoir faire », afin d’aider les partenaires à améliorer leur vie sexuelle et conjugale.
« Si tu veux m’en croire, ne te hâte pas trop d’atteindre le terme du plaisir ; mais sache, par d’habiles retards, y arriver doucement. »
Ovide